La tête me tourne tellement l’étalage grossier et criard qui sert de décoration à cette pièce agresse mes sens. Aux côtés de Nereïs, voleuse précieuse de son état, et de Ravenelle, réprouvée coquette qui occulte avec magnificence sa condition d’âme damnée, j’attends Vipérine, demie caboche assoiffée de carnage, en retard. Que ça ne devienne pas une habitude ! L’attente dans cet endroit affaiblit mes capacités de réflexion et de concentration nécessaires pour tenir éloignées les voix qui assaillent et torturent mon esprit.
Le retour à l’air pur soulage cette douleur lancinante et le meurtre d’un espion nain m’apaise quelque peu. Mes partenaires sont pleines de surprises. Après la mise à mort bien méritée du-dit nain, Ravenelle s’est retrouvée comme tétanisée. Rien de ce que nous avons tenté n’a pu la sortir de cette torpeur, pas même une potion administrée par Vipérine. Après un certain temps, elle a retrouvé sa vigueur, et sans souvenir apparent de sa léthargie s’est remise à se mouvoir.
L’apaisement n’a pas duré longtemps. A peine sorties de la bâtisse dans laquelle nous avons appliqué la sentence du petit être difforme que nous avons la désagréable visite d’une elfe de sang, qui, étrangement et contrairement à toute attente, se montre moins hautaine et complaisante que ses semblables. Manifeste d’une quelconque volonté de manipulation ou du refoulement de sa nature profonde, son mielleux accueil ne me convainc pas. Que cherche-t-elle ? Notre antipathie ? C’est gagné. Sa présence m’indispose, si je l’ignore, peut-être qu’elle s’en ira. A moins que je ne la tue ?
Les tâches s’enchainent et les récompenses s’accumulent. La fortune est encore loin, pour qui s’y intéresserait, mais notre labeur est justement rétribué. Les elfes sont indisposés par tout et n’importe quoi, en conséquence nous semons la mort. Seul fait notable dans la monotonie de notre besogne, il nous a été demandé de châtier des apprentis particulièrement calamiteux. Nous devons les transformer en sangliers bien gras. La punition est fort distrayante et nous nous gaussons de cette humiliation.
Puis viennent les murlocs. Nous déferlons telle la tempête sur les côtes et massacrons impitoyablement ces êtres inférieurs à la peau luisante et aux pieds palmés. Nous tranchons leurs membres, brisons leurs crânes, meurtrissons leurs chairs. Les têtes volent par dizaines. Le sang visqueux macule nos armes et nos vêtements. Je me sens bien.
Mon ire tarie, et mes muscles cuisants, j’aspire à un repos bien mérité. Je prends congé de mes partenaires et regagne ma sordide chambre dans l’espoir de pouvoir m’y assoupir. Les voix se sont tues, le sommeil voudra peut-être de moi cette nuit.